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Le sexisme du Dr Israël Nisand, Président du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français

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Dr Israël Nisand (capture d’écran – 17ème Journées du Collège des Gynécologues et Obstétriciens d’Alsace)

Il y quelques jours, le magazine Elle publiait un excellent article sur les maltraitances lors de l’accouchement pour lequel j’ai eu le plaisir d’être interviewée : « Violences obstétricales : quand l’accouchement vire au cauchemar, aujourd’hui, les femmes en parlent ». Y figurait une interview hallucinante du Dr Israël Nisand, Président du Collège des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF), « Violences gynécologiques : selon le Pr Israël Nisand, les femmes devraient davantage porter plainte » démontrant tout son sexisme et son mépris pour les femmes qui accouchent.

Pour le Dr Nisand, face à la violence obstétricale, c’est simple : « Quand on a un médecin qui ne convient pas, mon conseil n’est pas d’essayer de changer le médecin, mais d’en changer. » Lorsqu’une femme est en travail, il lui suffit donc de quitter la salle d’accouchement avec le fœtus engagé dans le bassin, empoigner sa valise et son compagnon, et se rendre dans un autre établissement à deux cents kilomètres de là.

Mais bon sang, comment n’y a-t-on pas pensé plus tôt ? Alors qu’elle est immobilisée sur une table avec les pieds coincés dans les étriers, une perfusion dans le bras, une péridurale dans le dos et une sangle autour du ventre, avec des soignants qui la menacent pour qu’elle accepte des actes médicaux non explicités, elle doit simplement se lever en disant : « Vous ne me convenez pas, je vais changer de médecin sur les conseils du Dr Nisand ». D’un seul coup, les soignants maltraitants vont s’écarter pour lui permettre de quitter l’établissement sans la moindre remarque ni obstacle à sa sortie.

Quant aux femmes qui voudraient changer de gynécologue après avoir attendu plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous dans les déserts médicaux, je crois comprendre qu’elles devraient tout simplement consulter l’annuaire pour en trouver un autre au pied levé. Merci Dr Nisand de suggérer aux femmes une solution si simple à laquelle elles n’avaient pas songé.

On pourrait imaginer qu’en tant que Président du CNGOF, le Dr Nisand prendrait ses responsabilités et aurait à cœur de s’attaquer aux médecins maltraitants. Il a trouvé une solution beaucoup plus simple : reprocher aux femmes de ne pas changer de soignant. C’est toujours la faute des femmes.

Le Dr Nisand poursuit : « Le collège que je préside produit des recommandations sur les bonnes pratiques et je vous assure qu’elles sont suivies méticuleusement par tous les gynécologues. » Comme je l’ai démontré dans beaucoup de mes billets, il y a un décalage énorme entre les recommandations médicales et les pratiques dans les maternités. Les nombreux témoignages sur mon blog attestent de l’existence de pratiques dangereuses et contraires aux recommandations. Il est tellement surprenant que le Dr Nisand ignore à ce point la réalité, qu’il doit s’agir d’un malentendu. Peut-être méconnaît-il la signification exacte du mot « méticuleusement » ? Il serait plus juste qu’il remplace ce mot par  l’expression « au petit bonheur la chance » dans sa phrase.

Donnons des numéros de téléphone à Israël Nisand

Il prétend ensuite que l’expression abdominale n’existe plus. Cet acte, particulièrement douloureux et dangereux, consiste pour un soignant à appuyer sur le ventre d’une parturiente pour accélérer la sortie du bébé (voir mon billet Ces femmes passives qui sont accouchées). Il est possible que le Dr Nisand ne soit pas totalement informé de ce qu’il se passe dans les maternités. Le CIANE rappelle que, sur plus de 20 000 réponses à son enquête portant sur des accouchements entre 2010 et 2016, une femme sur cinq a subi une expression abdominale. Parmi celles-ci, 80% n’ont pas donné leur consentement à cet acte (voir ici).

Nous sommes néanmoins rassurés parce que le Dr Nisand s’engage vraiment à faire bouger les choses en déclarant que « si vous connaissez un seul gynécologue qui a pratiqué l’expression abdominale, je l’appellerai personnellement pour lui dire de ne plus le faire. » Béatrice Kammerer, fondatrice des Vendredis Intellos, a donc mis en ligne un formulaire de récolte de témoignage : Expression abdominale – Les femmes répondent à Israël Nisand. Vous aussi, pesez sur la facture de téléphone du Dr Nisand en indiquant le nom des soignants qui vous ont poussé violemment sur votre ventre lors de votre accouchement.

En attendant, le Dr Nisand peut déjà appeler les 552 établissements de soin où cet acte a été pratiqué, et dont la liste complète se trouve dans ce document du CIANE : Accouchement avec expression abdominale – Données et témoignages de l’enquête CIANE sur le vécu de l’accouchement.

Quoi qu’il en soit, merci au Dr Nisand d’avoir proposé cette mesure pratique et efficace consistant à rappeler à l’ordre un à un ses confrères. Il est vrai que des actions plus globales au sein de la profession pour placer les médecins devant leur responsabilité auraient été trop impersonnelles et moins conviviales qu’un coup de fil.

La suite de l’interview montre que, pour le Dr Nisand, le vrai problème, ce n’est pas la violence obstétricale, ni le non-respect des recommandations médicales, ni le défaut de compétence des obstétriciens. Le vrai problème, c’est le manque de tact des soignants : « ce que reprochent les femmes n’est pas tant le défaut de compétence que le manque de tact, et je ne sais pas comment on peut rééduquer un médecin sur ce sujet. »

J’admire l’honnêteté de ce gynécologue avouant ne pas savoir comment apprendre quelque chose à un médecin. Bien sûr, tout le monde ne naît pas pédagogue. Il est pourtant possible d’éduquer une personne à se comporter respectueusement par des jeux de rôles et des mises en situation. Par exemple, lors de mon stage de base de secourisme, j’ai appris à interagir avec des blessés non seulement par des gestes, mais aussi par une attitude bienveillante. Entre ses coups de téléphone aux 552 maternités et aux soignants qui pratiquent l’expression abdominale, le Dr Nisand pourrait aussi appeler les organismes proposant des stages de secourisme pour en organiser à destination des gynécologues-obstétriciens. S’il n’a plus de crédit téléphonique, il pourrait annoncer poursuivre en radiation tous les médecins impolis et manquant de tact. Ils apprendront très vite.

Pour Israël Nisand, il n’y a pas de problème de respect de la loi sur le consentement

Concernant le problème récurrent et massif de l’absence de consentement des patientes aux actes médicaux, le Dr Nisand a également une solution très simple : les femmes n’ont qu’à porter plainte et réclamer des dommages et intérêts sur base de la loi Kouchner. C’est vrai quoi, les femmes n’ont qu’à un peu se bouger le cul. Au lieu de dénoncer la non application de la loi, alerter les instances professionnelles et mobiliser la société, les femmes doivent se taire (c’est très important que les femmes se taisent), prendre un avocat coûteux, payer des frais de justice et attendre quelques années pour espérer obtenir des dommages et intérêts. Une fois de plus, s’il y a des problèmes dans la profession de gynécologie obstétrique, c’est la faute des femmes qui n’agissent pas correctement. Merci Dr Nisand d’avoir attiré notre attention sur la réelle cause du problème.

Le Dr Nisand évoque néanmoins une autre raison du piétinement de la loi Kouchner sur le consentement et sur l’information aux patients : « On peut obtenir le consentement en 30 secondes. Mais parfois la femme ne s’en souvient plus parce qu’elle est un peu endormie ou parce qu’elle a perdu du sang. Beaucoup de femmes ne se souviennent plus qu’on leur a donné des informations parce qu’elles n’ont pas pu les intégrer à ce moment-là. »

C’est vrai que lors d’un accouchement, la femme n’a plus de cerveau. Le Dr Nisand l’a d’ailleurs expliqué dans une autre interview au Figaro : « Au moment de l’accouchement, tout le sang est drainé vers l’utérus, au détriment du cerveau. La manière dont on vit et décrit a posteriori son accouchement peut ne pas correspondre complètement à la réalité. »

C’est simple, le consentement pour tout acte médical est toujours recherché chez les patientes, l’information complète leur est toujours donnée, c’est juste que les femmes ne s’en souviennent pas. Si elles n’avaient pas une cervelle de moineau et si elles n’avaient pas d’utérus, elles vivraient bien leur accouchement. C’est encore de la faute des femmes si elles s’estiment victimes de violences obstétricales.

Le Dr Nisand semble néanmoins se contredire puisqu’il explique à plusieurs reprises dans l’interview qu’il est important de ne pas donner trop d’informations aux femmes pour ne pas les inquiéter. Il est vrai que si une jeune mère subit une révision utérine, c’est-à-dire la situation où le soignant enfonce sa main dans son vagin jusqu’à l’avant-bras pour lui racler l’utérus sans consentement préalable, ce n’est pas le geste qu’elle vit mal, mais l’information préalable qui la laisserait « dans un état d’inquiétude pas possible ». C’est donc par bonté envers les femmes que le Dr Nisand les prive d’information et passe outre leur consentement. Qu’il en soit chaleureusement remercié.

Alors que la journaliste insiste sur l’importance du consentement et de la nécessité de l’inclure dans la formation des médecins, le Dr Nisand répond : « C’est déjà fait, à tel point qu’on a aujourd’hui des médecins dressés à obéir aux demandes des patientes et qui vont trop loin dans ce domaine. »

Et oui, le vrai problème, ce sont ces femmes dominantes qui ont dressé les soignants à leur obéir au doigt et à l’œil. Internet regorge d’ailleurs de témoignages de femmes qui se vantent d’avoir obtenu tout ce qu’elles voulaient de leur obstétricien, depuis le repas servi dans la salle de travail, les massages que le médecin leur a prodigué pendant des heures à leur demande, le soutien physique qu’il leur a apporté en fonction des positions qu’elles voulaient adopter, jusqu’au verre de champagne qui les attendait dans leur chambre après la naissance de leur enfant. Le Dr Nisand a bien raison de ne pas former les futurs gynécologues à la notion de consentement. Il ne faudrait pas renforcer encore plus la domination des femmes sur ces pauvres soignants.

Israël Nisand est adepte de la culture du viol

Capture d’écran de l’exposé du Dr Nisand

Les propos surréalistes que le Dr Nisand a tenus dans Elle pourraient s’apparenter à une blague ou s’expliquer par un mauvais jour du médecin. Je crains qu’ils soient pourtant le reflet de ses conceptions sexistes et misogynes, et de son adhésion à la culture du viol.

Lors des 17ème Journées du Collège des Gynécologues et Obstétriciens d’Alsace, le Dr  Nisand a fait une intervention intitulée La juste distance entre le gynécologue et sa patiente et dont la vidéo se trouve ici.

Il y relate une affaire où un gynécologue a été condamné à un an de prison ferme et dix ans d’interdiction de travail pour agression sexuelle sur onze de ses patientes.

L’explication du Dr Nisand est la suivante : le gynécologue est trop gentil, il a fait des commentaires sur la silhouette de ses patientes au point que ces dernières ont interprété ses gestes comme de la séduction. Le pauvre gynécologue, victime de sa gentillesse, a dû repousser leurs avances. Les femmes été « séduites-déçues », ce qui les a rendu « sans pitié ». C’est pourquoi elles ont déposé plainte pour viol.

A aucun moment, le Dr Nisand n’explique sur quels éléments il se base pour décréter qu’elles sont « séduites-déçues » et qu’elles sont « sans pitié » pour accuser le médecin d’agression sexuelle. Il s’inscrit tout simplement dans la culture du viol, en accusant les victimes d’être responsables de leur viol, et en transformant le violeur en victime de méchantes femmes qui veulent sa perte.

Dans la vidéo, le Dr Nisand explique ensuite qu’il a dû défendre ce gynécologue devant les assises. Il s’est alors posé la question de la différence entre un toucher vaginal et un attouchement sexuel, et a trouvé comme réponse l’absence de plaisir du médecin. Dans sa toute-puissance de gynécologue-obstétricien, le Dr Nisand n’a pas jugé utile de consulter la définition légale de l’agression sexuelle. Il aurait lu qu’une agression sexuelle est toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise. En d’autres termes, une atteinte sexuelle commise sans consentement. Le plaisir n’est pas un élément constitutif de l’agression sexuelle ni du viol. Les plus attentifs d’entre vous noterons d’ailleurs que le mot consentement n’est jamais prononcé par le président du CNGOF pendant les 20 minutes que dure son intervention.

Mais qu’à cela ne tienne, le Dr Nisand arrive devant le jury d’assises avec sa trouvaille sur le plaisir et se voit répondre qu’à plusieurs reprises, lorsque le gynécologue incriminé leur avait pris la tension artérielle, les femmes avaient senti son érection contre leur bras.

Le Dr Nisand ne se démonte pas et affirme dans son exposé que la sanction du gynécologue est « très très grave ». Ce qu’il reproche au médecin, c’est « d’avoir montré une certaine forme de désir à l’égard des patientes », et que son confrère « n’est coupable de rien, si ce n’est des petites choses sur le plan du comportement ». Il cautionne donc les agressions sexuelles commises par un médecin sur ses patientes en niant toute la gravité de ces actes.

Par ailleurs, il développe dans son intervention une vision très étrange de la relation entre un médecin et sa patiente qu’il assimile à une relation entre un père et sa fille. Il n’hésite pas à comparer les patientes à des fillettes « qui veulent toucher le zizi de leur père ou se marier avec lui ». Il se situe donc clairement dans une logique de paternalisme du médecin et d’infantilisation des patientes.

Le concept d’égalité entre le médecin et sa patiente permettant un dialogue et une co-construction du traitement, lui est totalement étranger. Comme conseil à ses confrères, il leur recommande de maintenir une position dominante et rester « sur un piédestal dans un halo de mystère ».

Lorsque le Dr Nisand aura raccroché après avoir appelé les 552 établissements de soin où des expressions abdominales ont été pratiquées, je lui conseille de quitter de son piédestal entouré d’un halo de mystère pour découvrir enfin la réalité de ce qui se passe vraiment dans les salles d’accouchement.

 

A lire aussi :

L’excellente réponse de Martin Winckler aux propos d’Israël Nisand : « Le président du Collège des gynécologues-obstériciens (CNGOF), modèle (!??) contemporain de paternalisme médical à la française  »

L’article de Elle : « Violences obstétricales : quand l’accouchement vire au cauchemar, aujourd’hui, les femmes en parlent ».

Le Grand angle du Figaro : « Quand l’accouchement se vit dans la violence »

Les témoignages recueillis par Elle suite à son article : « Violences obstétricales, vos témoignages ».

Pour dénoncer une expression abdominale, le formulaire en ligne.

La vidéo de l’intervention du Dr Nisand lors 17ème Journées du Collège des Gynécologues et Obstétriciens d’Alsace.

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